Messieurs les assureurs, merci de respecter la loi sur le droit des Français au transfert de leur épargne retraite supplémentaire.

La loi PACTE pour la croissance et la transformation des entreprises a créé au 1er octobre 2019 un nouveau produit d’épargne retraite le Plan d’épargne retraite (PER). Pour les entreprises, c’est une source de financement stable, qui favorise les investissements de long terme. Pour les épargnants, ce sont des produits plus simples, plus souples et plus rentables. Surtout, la loi PACTE a établi la transférabilité des anciens produits de retraite supplémentaire, contrat « Article 83 », souscrit par une entreprise pour ses salariés, ou contrat « Madelin », pour les indépendants.

À partir du 1er octobre 2019, l’épargne constituée sur ces anciens contrats est transférable de droit sur les nouveaux contrats PER. Les gestionnaires ont un délai d’un an pour adapter leurs systèmes informatiques, mais à partir du 1er octobre 2020 ils seront obligés d’accepter les transferts entrants vers un PER.

La question qui se pose est de savoir si les assureurs jouent bien le jeu de la portabilité.

De nombreux contrats « Article 83 » et Madelin ont été souscrits dans les années 80 ou 90, par une entreprise au nom d’un salarié, qui ne maîtrisait pas forcément bien les termes du contrat, ou par des agriculteurs à qui on a promis d’excellents rendements pour compléter leurs faibles retraites. 20 ou 30 ans plus tard, ces assurés découvrent que des dizaines d’années de versements et des dizaines de milliers d’euros de cotisations leur donnent droit à un montant de rente dérisoire, parfois de quelques dizaines d’euros, tant les tables de mortalité sur lesquelles sont basés ces contrats sont défavorables aux assurés.

Combien d’assurés, agriculteurs aux petites pensions, salariés d’entreprise à qui on a fait espérer des rendements exceptionnels, découvrent au moment de partir à la retraite que pour toutes les cotisations versées ils toucheront moins de 100 € par mois ? C’était l’objectif de la loi PACTE de faire disparaître ces anciens contrats, peu avantageux pour les assurés. Pour les contrats en cours, la loi PACTE permet aux assurés de transférer leur épargne de leurs anciens contrats vers un PER, qui autorise une sortie en capital, et doit leur permettre au moins de récupérer leur mise.

L’article D.132-7 du Code des Assurances précise que « le transfert des droits individuels en cours de constitution est de droit ». Un assureur ne peut donc refuser à un retraité du régime de base et complémentaire de transférer l’épargne supplémentaire qu’il n’a pas encore liquidée en rente. Or il s’avère que certains assureurs freinent des quatre fers et refusent les transferts sous des motifs infondés.

La même mauvaise volonté s’observe dans l’application du droit au transfert des contrats « Article 83 ». Précisément, dans le cas de ces contrats, l’épargne constituée est une épargne obligatoire d’entreprise. Ainsi, en cas de transfert vers un PER, elle sera en majorité placée dans le « compartiment 3 » du PER (ou compartiment catégoriel), qui n’autorise que la sortie en rente. Ainsi, pour bénéficier d’un déblocage sous forme de capital, les assurés doivent transférer leur épargne vers un PERP, puis vers un PER, auquel cas l’épargne est transférée vers le « compartiment 1 » du PER et bien déblocable en capital. C’est une solution tout à fait légale. Pourtant, certains assureurs ont suspendu les transferts vers les Plans d’Epargne Retraite Populaire (PERP), dont la commercialisation doit prendre fin au 1er octobre 2020, en jouant sur le délai maximal de quatre mois que leur laisse la loi pour réaliser les transferts. Les assurés ne pourront alors pas réaliser le transfert vers un PERP avant leur disparition au 1er octobre 2020 et seront condamnés à une rente dérisoire.

En résumé, certains assureurs semblent jouer la montre. Or, ces pratiques sont un obstacle de fait à la portabilité instaurée par la loi PACTE. Il y a donc urgence à ce que les assureurs débloquent toutes les demandes de transfert vers un PERP faites avant le 1er octobre 2020. De même, ils doivent appliquer la loi et permettre aux retraités du régime de base et complémentaire de transférer leur Madelin non liquidé vers un PER.

Pendant cette crise, les assureurs n’ont pas toujours été au rendez-vous, mais ils se sont engagés moralement à l’être. Alors que le débat sur la prise en charge des pertes d’exploitation des entreprises fait rage et que les assureurs se sont engagés à prendre toute leur part dans la solidarité nationale, il ne serait pas acceptable que certains donnent l’impression d’être de mauvaise volonté sur les droits à la retraite des Français.

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