Responsable du texte de projet de loi de Lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière pour le groupe La République en Marche, je me réjouis du vote unanime de l’Assemblée nationale (112 voix Pour) qui vient de faire « sauter » le Verrou de Bercy. Ce vote est important car par le vote de l’article 13 du projet de loi de Lutte contre la fraude fiscale, sociale et douanière, nous avons mis fin à une disposition dérogeant à la séparation des pouvoirs vieille de près d’un siècle.

L’ONG Transparency International a tenu à « saluer cet amendement remettant en cause le Verrou de Bercy » préparé par une mission transpartisane où je me suis particulièrement investi depuis ma nomination en octobre 2017 .

Les faits

Chaque année, 50.000 contrôles fiscaux sont effectués en France. 15.000 cas de fraudes sont ainsi révélés. 4.400 dossiers concernent des détournements supérieurs à 100.000 € relevant d’une procédure pénale. Toutefois, en 2017 pour reprendre les derniers chiffres connus, moins d’un millier de poursuites ont été engagées effectivement et seulement 68 fraudeurs ont été condamnés à une peine de prison. Autrement dit, en 20117, 3.000 dossiers ont fait l’objet d’une transaction au bon vouloir des services fiscaux et du ministre en charge du Budget.

Le Verrou de Bercy avant le vote de l’article 13

La fraude fiscale qualifiée par l’article 1741 du code général des impôts, est l’action par laquelle un contribuable cherche volontairement à échapper à l’impôt en violant la loi fiscale. Outre les sanctions fiscales pécuniaires décidées par l’administration, elle peut être pénalement punie d’une amende, éventuellement assortie d’une peine d’emprisonnement.

Cependant, une poursuite au pénal ne peut être engagée qu’à l’initiative de l’administration fiscale, c’est à dire dans les faits du ministre en charge du Budget, après avis favorable d’une Commission des infractions fiscales. Cette disposition légale créée dans les années 1920 est connue sous l’expression : « Verrou de Bercy ». Elle implique que ni un procureur, ni une partie civile, ne peuvent déposer une plainte pour engager des poursuites judiciaires sans un feu vert de Bercy. Le « Verrou de Bercy » déroge au principe de la séparation des pouvoirs mais est conforme à la Constitution selon l’avis rendu par le Conseil constitutionnel le 22 juillet 2016.

Après le vote de l’article 13

L’administration fiscale sera tenue d’informer le parquet, ce dernier décidant seul de l’opportunité de poursuites pénales, lorsque deux critères cumulatifs sont réunis.

  • Le montant des droits fraudés est au moins égal à 100.000 €.
  • La fraude a donné lieu à des pénalités administratives de 100 % ; à des pénalités administratives de 80 %, en cas d’activité occulte, d’abus de droit, de manœuvres frauduleuses ou de certaines absences déclaratives ; ou à des pénalités administratives 40 % en cas de réitération.

Par ailleurs, les personnalités enregistrées à la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) verront leurs dossiers transmis au parquet quel que soit le montant des droits fraudés.

Pour les dossiers ne relevant pas des critères susmentionnés, l’administration fiscale pourra déposer plainte pénalement avec avis conforme de la Commission des infractions fiscales (CIF). Les conditions de fonctionnement de la CIF seront fixées par un décret en Conseil d’État.

De plus, l’administration fiscale pourra déposer plainte sans requérir l’avis conforme de la CIF en cas de présomptions caractérisées d’infraction fiscale pour laquelle il existe un risque de dépérissement des preuves.

De plus, le parquet aura le droit de poursuivre de son propre chef les fraudes fiscales connexes à celles dont il est déjà saisi.

En outre, les agents de l’administration fiscale ne seront plus tenus au secret à l’égard du Procureur de la République, même pour des dossiers ne faisant pas l’objet d’une transmission envers celui-ci.

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