Lundi matin, le premier décret nécessaire à l’application de la loi que j’ai fait voter sur la déshérence des contrats de retraite supplémentaire a été publié. L’occasion pour moi de vous présenter en détail le parcours d’une loi, de l’idée jusqu’à sa mise en œuvre effective.

La première pierre : les rapports de l’ACPR et de la Cour des Comptes

En 2018, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) avait remis au Parlement un rapport sur la situation des contrats d’assurance vie en déshérence. Il faisait état d’un stock de contrats non liquidés après 62 ans de 10,6 milliards d’€ fin 2016 (enquête réalisée sur l’équivalent de 80% des encours totaux du marché).

En 2019, la Cour des Comptes avait salué les efforts du secteur pour venir à bout des avoirs non réclamés, mais avait également souligne les angles morts de la loi. Les contrats de retraite supplémentaire avec sortie en rente, notamment, n’étaient pas couverts par le dispositif. Ce rapport estimait le « stock » des contrats non réclamés aux assureurs — c’est à dire tombés « en déshérence » — par leurs clients âgés de 62 ans et plus, à 13,3 milliards d’€.

Mais qu’est ce que la déshérence ?

Pour résumer, de nombreux produits d’épargne retraite supplémentaire (celle qui peut venir en plus des pensions de retraite obligatoire et complémentaire) sont souscrits collectivement par une entreprise au bénéfice de ses salariés ou individuellement par un salarié (souvent un indépendant, comme c’est le cas de nombreux agriculteurs) qui veut cotiser davantage pour sa retraite. Or certains salariés ne savent tout simplement pas que leur entreprise a souscrit un contrat de retraite supplémentaire en leur nom. D’autres changent d’entreprise, déménagent, et l’assureur n’ayant que des données parcellaires ne parvient pas à retrouver l’assuré pour l’informer de l’existence de son contrat et lui verser les sommes accumulées.

Fort de ces constats, je me suis emparé de ce sujet et je l’ai porté en septembre 2019 au sein du Comité consultatif du secteur financier ou je siège comme représentant de l’Assemblée Nationale.

Deuxième pierre : la consultation des parties prenantes

Pendant plusieurs mois, j’ai échangé avec les différents acteurs de ce dossier : les associations de consommateurs, les assureurs, les services de l’Etat à Bercy, entre autres.

La solution adoptée est ainsi le fruit d’une concertation avec toutes les parties prenantes (associations de consommateurs, assureurs, État, …).

Troisième pierre : le dépôt de ma proposition de loi et le parcours législatif

Le 24 mars 2020, j’ai donc déposé une proposition de loi qui a été reprise par l’ensemble du Groupe LaREM en ce sens.

Le 22 juin 2020, elle a été votée à l’Assemblée nationale. Le 21 octobre suivant, c’est au Sénat qu’elle a été adoptée, avec quelques ajouts.

C’est un texte enrichi de ces discussions parlementaires qui a été définitivement voté par les députés à l’Assemblée, le 17 février 2021.

Cette loi ainsi promulguée permettra d’obliger les assureurs à faire remonter au groupement d’intérêt public (GIP) Union Retraite les données dont ils disposent sur les bénéficiaires de ces contrats.

Le GIP Union Retraite est déjà chargé de la gestion du site « Info-Retraite », qui permet à chacun d’obtenir un état des lieux de ses droits à la retraite de base et complémentaire.

Le GIP Union Retraite réalisera un travail de recoupement permettant de relier les contrats à un numéro Insee et d’identifier avec certitude un assuré. Chacun pourra alors consulter le site « Info-Retraite » pour s’informer de ses droits à la retraite, obligatoire, complémentaire et, avec le vote de cette proposition de loi, supplémentaire.

Cette solution simple, qui fonctionne déjà pour les contrats de retraite obligatoire et complémentaire, respectueuse des données personnelles des assurés, permettra de redonner plusieurs milliards d’euros de pouvoir d’achat aux retraités.

De manière complémentaire, la loi votée renforce également l’information des salariés en imposant de faire figurer à l’état récapitulatif que reçoit le salarié lors de son départ de l’entreprise le relevé des produits de retraite supplémentaire dont il est éventuellement bénéficiaire. Cette mesure permettra de limiter davantage le phénomène de déshérence à la source.

Le vote de cette loi est bienvenu dans la situation économique difficile actuelle car elle redonne aux retraités accès aux sommes pour lesquelles ils ont épargné.

Mais le parcours n’est pas encore tout à fait terminé.

Dernière pierre : les décrets d’application

Pour être totalement effective, cette loi nécessite des décrets d’application : ici, il en faut deux, sur lesquels une sous-direction du Ministère de l’Economie travaille.

Le premier d’entre eux a été publié lundi dernier: il s’agit du décret d’application fixant la liste des produits et la date d’entrée en vigueur. Ce décret a été étudié en réunion de section au Conseil d’Etat le 8 juin 2021. Il prévoit une entrée en vigueur du service le 1er juillet 2022.

Un 2e décret relatif à la gestion des données personnelles est en cours d’élaboration et ne devrait pas tarder à être publié. Ses dispositions ont fait l’objet d’un avis favorable du comité consultatif de la législation et de la réglementation financière (CCLRF) le 18 mars 2021 et ont été transférées au Ministère de la Justice. Elles seront en effet intégrées dans un texte englobant l’ensemble des modifications à apporter au décret n° 2019-341 du 19 avril 2019 relatif à la mise en œuvre de traitements comportant l’usage du numéro d’inscription au répertoire national d’identification des personnes physiques ou nécessitant la consultation de ce répertoire, porté par ce Ministère.

Comme vous le voyez, le parcours d’une loi est complexe : il suppose beaucoup d’échanges avec toutes les parties prenantes, mais aussi avec les autres parlementaires pour les convaincre que la solution travaillée est la bonne, et ensuite un travail des services de l’Etat pour permettre la mise en oeuvre du texte voté par la représentation nationale.

Je tenais à vous en faire le récit.

Je reste à votre disposition si certains points vous paraissent encore obscurs.

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