Je m’investis depuis plusieurs mois sur la question délicate de la déshérence des contrats d’assurance de retraite supplémentaire. De quoi s’agit-il ? Pourquoi est-ce important ? Explications et premiers résultats obtenus.

Qu’est-ce que la déshérence ?

Les contrats d’assurance en déshérence sont des contrats « non réclamés » ou « non réglés » ce qui signifie que les capitaux n’ont pas été versés au(x) bénéficiaire(s) lors du décès de l’assuré ou, en cas de vie de l’assuré, que les capitaux ont été conservés par les assureurs au terme du contrat. Le mot est souvent utilisé pour les contrats d’assurance vie. 

 

Qu’est-ce qu’un contrat de retraite supplémentaire ?

Le régime de retraite de base de la sécurité sociale est constitué de la pension de vieillesse et du régime complémentaire AGIRC-ARRCO. Les contrats d’assurance de retraite supplémentaire viennent s’ajouter au régime de base ainsi qu’au régime complémentaire et permettent à leurs souscripteurs de se constituer un supplément de retraite qui sera versé généralement sous forme de rente, à partir de la cessation de leur activité professionnelle.  Ces contrats peuvent être souscrits directement par une personne physique, par une entreprise pour ses salariés, ou par une association pour le compte de ses adhérents.

 

Un phénomène de déshérence mis en exergue par l’ACPR et par la Cour des comptes.

Le 24 mai 2018, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) a remis un rapport au Parlement faisant état d’une situation de déshérence importante sur les contrats d’assurance de retraite supplémentaire. Ce rapport se base sur une enquête réalisée auprès de 17 organismes d’assurance (80% des encours totaux du marché), et met en valeur :

 

  • Un stock de contrats non liquidés (à adhésion obligatoire ou facultative) qui s’élève à 10,6 milliards d’euros à fin 2016 passé l’âge de 62 ans ;
  • Des « plis non distribués », nombre d’assurés pour lesquels l’envoi de courriers n’est pas possible faute d’adresse fiable, estimé à plus à plus de 90% passé l’âge de 70 ans ;
  • Un manque de données nécessaires pour identifier et localiser l’assuré et un manque de fiabilité dans les données d’identification et localisation détenues par les assureurs sur leurs clients ;
  • Une accélération du phénomène de déshérence.

 

Dans son rapport public annuel 2019, la Cour des comptes s’est emparée du sujet.  La Cour rappelle que malgré les avancées de la « loi Eckert » de 2014 sur la prévention de la déshérence et la « loi Sapin 2 » de 2016, renforçant l’obligation d’information des assureurs vis-à-vis des titulaires de contrats d’assurance, les contrats de retraite supplémentaire sont difficilement soumis à ces nouvelles règles car ils sont sans terme et prévoient en outre pour la plupart une sortie sous forme de rente viagère. Sur l’assurance vie, grâce à la loi Eckert avaient pourtant conduit à des versements par les assureurs e 2,2 milliards d’euros en 2016 et 2milliards d’euros en 2017 aux bénéficiaires des contrats non réglés (pour un montant moyen de 3 261€).

 

Les contrats de retraite supplémentaire comportent d’autres facteurs susceptibles de les exposer au phénomène de déshérence :

 

  • S’agissant des contrats collectifs à adhésion obligatoire : méconnaissance possible par l’assuré de l’existence de ses droits ;
  • Souscrits pour une longue durée – augmentation du risque de perte de contact avec les assurés;
  • Changement d’employeur ;
  • Déménagement de l’assuré ;
  • Disparition de l’entreprise souscriptrice ;
  • Disparition de l’intermédiaire ayant proposé le contrat et gérant la relation assureur / souscripteur ou assuré.

 

Vers un accord de place d’ici la fin de l’année avec les professionnels du secteur réunis au CCSF [1].

Après avoir été alerté par ce phénomène par des acteurs de la profession et avoir étudié les différents rapports sur le sujet, j’ai demandé une entrevue avec Jean-Paul Delevoye, Haut-commissaire aux retraites, le 11 septembre dernier.  J’ai ensuite échangé avec les cabinets des ministres Gérald Darmanin et Bruno le Maire et avec le Trésor. Il est vite apparu qu’une solution législative serait longue à mettre en œuvre alors que le sujet demande une réponse rapide. Un accord de place avec les professionnels du secteur permettrait d’avancer rapidement. En octobre j’ai donc rencontré la Fédération Française de l’Assurance (FFA) et l’AGIRA, association crée par la FFA suite à la loi Eckert pour retrouver assurés et ayant droits. J’ai ensuite demandé le lancement d’un groupe de travail spécifique au Comité consultatif su secteur financier (CCSF), où je siège comme représentant de l’Assemblée nationale. Suite à mon intervention en séance plénière mardi dernier (le 12 novembre) la création du groupe de travail a été actée. Il se réunira ce jeudi 21 novembre avec pour but de trouver un accord de place à entériner lors de la prochaine plénière le 8 décembre prochain.

 

[1] Le Comité consultatif du secteur financier (CCSF est chargé d’étudier les questions liées aux relations entre d’une part, les établissements de crédit, les établissements de paiement, les entreprises d’investissement et les entreprises d’assurance et d’autre part, leurs clientèles et de proposer toutes mesures appropriées dans ce domaine, notamment sous forme d’Avis ou de recommandations d’ordre général.

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