Le quotidien Les Echos publie aujourd’hui une tribune que je co-signe avec les députés de majorité présidentielle pour demander que le travail parlementaire se préoccupe d’avantage du contrôle et l’évaluation des politiques publiques.

Le Parlement contrôle l’action législative du gouvernement, observait avec ironie Philippe SEGUIN. Pour avoir présidé l’Assemblée nationale et la Cour des comptes, il connaissait bien la critique que l’on pouvait faire alors d’un parlement « chambre d’enregistrement », lors du vote du budget. La situation a bien changé depuis.

Nous venons de voter, en Commission, un projet de loi de finances pour 2018 dont nous sommes fiers. Parce que nos principes sont clairs : sincérité budgétaire, financement des priorités de notre pays (éducation, sécurité, innovation), soutien à l’investissement, sortie de la spirale de la dépense publique inefficace. Mais aussi parce qu’il constitue l’amorce d’une évolution profonde : le retour du Parlement comme acteur majeur dans le processus de décision politique.

Car nous ne l’avons pas seulement voté. Nous avons, plusieurs mois avant la présentation du texte, traqué les angles morts, les risques d’inefficacité ou d’inadéquation aux réalités des Français. Nous l’avons amélioré de débats en débats, de réunions opiniâtres dans les cabinets ministériels et les administrations à la recherche de données, d’amendements en amendements, et au fil de discussions exigeantes avec les ministres eux-mêmes. Et nous voulons aujourd’hui intervenir concrètement dans la mise en oeuvre de ces mesures, pour une loi pérenne et pertinente pour tous les Français.

Nécessaire rééquilibrage

Les députés des précédents mandats se voyaient avant tout comme des législateurs. Nous, députés de La République en marche à la commission des finances, agissons comme des partenaires permanents de la décision publique. Nous prenons à la lettre le devoir que l’article 24 de la Constitution nous donne de « contrôler et évaluer l’action du gouvernement et les politiques publiques ».

Or nous constatons que les outils de la procédure budgétaire ne sont pas adaptés à ce rôle, pourtant majeur. Ce premier budget nous offre aujourd’hui l’opportunité d’une réelle réflexion sur la procédure parlementaire et budgétaire, pour qu’elle devienne un réel soutien à la transformation – économique, sociale et démocratique – que nous voulons.

Le constat est partagé depuis de nombreuses années, encore réaffirmé dans le dernier rapport de l’Inspection Générale des Finances : sachons saisir l’opportunité du renouvellement de la classe politique pour enfin renouveler les pratiques. Aujourd’hui, il est clair que nous ne faisons pas le meilleur usage du temps politique et parlementaire en consacrant 70 jours – et nuits – d’affilée à travailler sur le budget pour 2018, et en ne réservant qu’un modeste après-midi au printemps 2019 pour en contrôler le résultat.

Si nous ne rééquilibrons pas ces temps de travail, les efforts pour rendre nos dépenses publiques plus efficaces et mieux alignées avec nos priorités politiques produiront peu d’effet. Il est essentiel de rendre systématiques des échanges réguliers avec les ministres sur leurs politiques publiques et l’adéquation de l’affectation des moyens dont ils disposent. Il faut rompre avec la logique d’ajustement au million près du budget prévisionnel sur chacun des programmes et missions budgétaires sans en mesurer réellement l’efficacité concrète sur la vie des Français.

L’évaluation des politiques publiques ne peut s’entendre comme des rapports qui s’empilent et des colloques qui bavardent. Elle doit se traduire par de l’action concrète de suivi des politiques publiques, auprès des services de l’Etat comme des acteurs privés concernés le cas échéant.

Nous ne manquons pas d’alliés ou d’outils pour générer du diagnostic : les rapports de performance de la Direction du Budget, ceux de la Cour des comptes, du Conseil d’analyse économique… Mais ne cantonnons pas les députés à un simple rôle d’écho de ces institutions, car notre rôle doit être de donner aux analyses et à aux recommandations de ces administrations une traduction politique et une application concrète.

Aux avant-postes

Notre rôle de députés français doit également évoluer pour prendre toute la mesure de notre place en Europe, pour mieux appréhender les évolutions du droit et de la jurisprudence communautaire. Pouvoir comprendre en amont la teneur des négociations communautaires des directives et règlements adoptés à Bruxelles, quand elles auront des impacts sur notre fiscalité ou trajectoire budgétaire, serait ainsi utile à une plus grande qualité et solidité du travail réalisé dans l’Hémicycle et nécessaire à sa solidité.

Nous parlementaires, serons aux avant-postes des deux réformes, esquissées par le président de la République, le Premier ministre et le ministre de l’Action et des Comptes publics. La première concerne la procédure budgétaire. Nous proposons une nouvelle répartition du temps parlementaire : 30 jours d’évaluation et de « contrôle de gestion » en Commission au printemps pour que la loi de règlement reprenne son sens. Ils permettront de budgéter de manière cohérente et en 30 jours en séance publique à l’automne le budget de l’année suivante.

Nous appelons également à la création rapide d’un « Office de la responsabilité budgétaire » comme il en existe au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, qui permettra aux parlementaires de la majorité et de l’opposition d’analyser de manière indépendante toutes les données produites par l’administration.

La seconde vise à consacrer plus de moyens pour suivre l’application des mesures votées, et c’est là que tout reste à construire. Les députés et les sénateurs doivent accompagner l’application des lois après leurs adoptions, pas deux ans après. Nous le ferons dès le 22 janvier prochain avec les acteurs du secteur financier afin de réorienter l’épargne des Français vers les entreprises, pour donner tout son sens concret à la réforme de l’ISF et de la fiscalité. C’est une question d’efficacité de la loi, et d’urgence démocratique, au service de tous les Français. Le législateur doit vérifier que ses intentions deviennent des réalités

Amélie de MONTCHALIN, députée responsable du groupe La République en Marche à la commission des Finances, Laurent SAINT-MARTIN, Vice-président de la Commission des Finances et l’ensemble des députés de La République en marche.

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